Comment agir lorsque l’on fait face à un mur ?

Etude du lien stratégique entre le Sardine Run et JCDecaux* :

Mais qu’est-ce que le « Sardine Run » ?

Il s’agit du phénomène où d’immenses bancs de sardines se déplacent au large de l’Afrique du Sud et migrent entre juin et juillet.

Qu’a-t-il de si spécifique à retenir ?

Une alliance étonnante de prédateurs tels que dauphins, requins, fous du Cap et otaries, entre autres.

Pour vous expliquer davantage : les dauphins, qui opèrent en groupes, repèrent les sardines et les regroupent en surface. Conscientes du danger, les sardines se rassemblent et se serrent les unes contre les autres pour éviter d’être dévorées. Cette stratégie est efficace lorsque le nombre de prédateurs est limité. Cependant, c’est ici que l’alliance entre les prédateurs prend toute son importance.

D’un côté, les fous du Cap attaquent depuis les hauteurs. Ces oiseaux plongent à environ 10 mètres dans l’eau pour capturer leurs proies. De l’autre côté, les requins et les otaries attaquent de diverses manières. Les dauphins poursuivent également leurs attaques. Ainsi, une coordination et des attaques concertées se produisent pour disperser le banc de sardines, les isoler et permettre à chaque prédateur de prendre sa part du butin.

La stratégie des sardines se trouve mise à mal par cette alliance. Remarquez que ces différents prédateurs ne s’attaquent pas entre eux, bien qu’ils auraient pu le faire vu le butin en jeu. Ils se sont plutôt unis car ils avaient besoin les uns des autres pour atteindre leurs objectifs.

Cette alliance offre plusieurs enseignements bénéfiques pour votre entreprise. Certains pourraient même établir un parallèle avec l’accord passé entre SFR, Bouygues et Orange par le passé. Bien qu’ils étaient en concurrence, ils ont convenu d’une politique tarifaire. Cependant, plutôt que d’aborder ces aspects négatifs, concentrons-nous sur la stratégie judicieuse de l’entreprise JCDecaux.

Le cas JCDecaux

JCDecaux était un peu comme les dauphins confrontés à un obstacle majeur : Initialement, il y avait un marché restreint avec la publicité routière d’un côté et les annonces dans les transports en commun, tels que les bus et les taxis, de l’autre. De plus, la loi de finances de 1964 a ajouté des taxes substantielles à ce secteur.

Enfin, de nombreuses entreprises, en particulier les moins connues, hésitaient à utiliser ce type de message publicitaire. Leur réticence était logique et simple : elles doutaient de l’efficacité de ces messages sommaires, qui devaient être captés rapidement.

Comme vous pouvez l’imaginer, le taux de renouvellement des entreprises utilisant ce type de publicité était faible. Face à cette situation, il fallait trouver une solution. C’est dans de telles circonstances qu’un bon stratège émerge, quelqu’un capable d’élaborer la stratégie la plus efficace malgré les contraintes. C’est là que la différence entre un véritable stratège et quelqu’un qui imite simplement des stratégies préexistantes, non toujours adaptées à la situation, devient évidente.

Dans ce cas, Jean-Claude Decaux a élaboré une stratégie gagnant-gagnant pour surmonter l’obstacle devant lui, similaire à ce que les États-Unis ont fait avec le plan Marshall.

Dans un premier temps, au lieu de se concentrer uniquement sur ses clients, il a tenu compte des réticences des entreprises à collaborer avec lui. Il a identifié un problème commun : à l’époque, tous les supports proposés n’étaient pas fixes et avaient une durée de vie limitée. Ayant cerné ce problème, il a cherché à savoir s’il existait des supports publicitaires fixes, offrant une visibilité plus durable aux passants.

Cela souligne l’importance de poser les bonnes questions. Tout comme Alexandre le Grand l’a montré, poser les bonnes questions est essentiel pour résoudre des problèmes complexes.

Une fois la question adéquate formulée, ils ont découvert que les municipalités possédaient de nombreux supports fixes, comme les arrêts de bus, où les passants avaient plus de temps pour lire les annonces.

Sur cette base, l’entreprise a proposé un arrangement particulièrement attractif pour les municipalités : au lieu de leur proposer d’utiliser leurs supports et donc de dépendre d’eux par la suite, JCDecaux a proposé de fournir gratuitement du mobilier urbain aux municipalités et de prendre en charge son entretien. Ce modèle basé sur la gratuité était avantageux pour les municipalités, car cela signifiait qu’elles n’avaient pas à recourir à des impôts pour financer le mobilier urbain.

Tous étaient gagnants :

  • Les municipalités bénéficiaient de la gratuité et n’avaient pas besoin de solliciter des fonds publics pour financer les équipements urbains.
  • Les entreprises pouvaient désormais disposer de supports véritablement visibles, générant un meilleur taux de mémorisation de leurs publicités.
  • JCDecaux en tirait des avantages à plusieurs niveaux :
    1. Un contrat d’exclusivité de plus de 10 ans avec les municipalités, lui assurant un contrôle considérable.
    2. Le coût d’entretien était relativement faible, environ 5 % du coût total. L’essentiel était de s’assurer que les recettes publicitaires compensaient ce coût, ce qui n’était pas compliqué.
    3. JCDecaux pouvait aider les annonceurs à lancer leur campagne en 2 ou 3 jours (au lieu de 15 jours pour les panneaux grand format), avec une marge de 18 à 40 %.
    4. L’entreprise pouvait proposer et concevoir des supports spécifiques et adaptés aux annonceurs pour augmenter leur impact, en tenant compte de l’adaptation au numérique.
    5. En fin de compte, cela générait un flux stable de revenus et offrait un potentiel de croissance important.

Il convient également de noter un aspect essentiel : JCDecaux pouvait développer une connaissance approfondie des entreprises qui faisaient appel à lui, en toute légalité. Cela comprenait ce qui fonctionnait et ce qui fonctionnait moins bien, ainsi qu’une meilleure compréhension des passants. Cette facette est souvent négligée, mais elle est cruciale.

Bien sûr, d’autres concurrents sont apparus sur le marché, tels que Clear Channel, et certaines juridictions ont imposé des contraintes à JCDecaux sur certains aspects. En outre, avec la crise de la COVID-19, les performances financières de l’entreprise ont été affectées négativement.

Les options stratégiques :

Cela nous amène à un moment critique pour l’entreprise, qui a plusieurs options :

  • Redéfinir une stratégie « océan bleu », c’est-à-dire une stratégie où la concurrence est absente. Dans ce cas, elle pourrait explorer des partenariats avec des entreprises peu conventionnelles, nécessitant peu de ressources en termes de budget et de temps.
  • Repenser les supports proposés pour générer un impact réel, même en cas de confinement.
  • Se concentrer sur les activités les plus rentables, car certaines entreprises dispersent leurs efforts sur un trop grand nombre d’offres, ce qui peut les pénaliser.
  • Réexaminer les clients qui ne sont plus actifs et reposer les questions pour trouver des solutions innovantes tout en respectant le cadre juridique en vigueur.

Ce que vous devez retenir :

  1. Utilisez toutes les contraintes à votre disposition pour élaborer votre solution, plutôt que de vous fier uniquement à des solutions préétablies.
  2. Posez-vous les bonnes questions et osez sortir des sentiers battus.
  3. Comme JCDecaux, cherchez un modèle commercial solide avec peu d’efforts, un retour sur investissement élevé et un temps de travail réduit.
  4. Ne considérez jamais les acquis comme acquis, car des changements législatifs ou des événements imprévus peuvent toujours affecter votre entreprise. Restez adaptable et ouvert aux opportunités nouvelles.

 

JCDecaux est reconnu pour avoir été à l’origine des supports publicitaires physiques que l’on peut observer, tels que les grands panneaux publicitaires en bord de route ou ceux présents dans les abribus.